Action/Comédie/Science fiction/Un film de super-héros au style original et particulier
Réalisé par Gabriele Mainetti
Avec Claudio Santamaria, Luca Marinelli, Stefano Ambrogi, Ilenia Pastorelli, Maurizio Tesei, Francesco Formichetti, Gianluca Di Gennaro, Salvatore Esposito...
Long-métrage Italien
Titre original : Lo chiamavano Jeeg Robot
Durée: 01h58mn
Année de production: 2015
Distributeur: Nour Films
Date de sortie sur les écrans italiens : 25 février 2016
Date de sortie sur nos écrans : 3 mai 2017
Résumé : oursuivi par la police dans les rues de Rome, Enzo plonge dans les eaux du Tibre et entre en contact avec une substance radioactive qui le contamine. Il réalise bientôt qu'il possède des pouvoirs surnaturels : une force et une capacité de régénération surhumaines qu'il décide de mettre au service de ses activités criminelles.
Du moins jusqu’à ce qu'il rencontre Alessia, une jeune fille fragile et perturbée qu’il sauve des griffes de Fabio, dit "Le Gitan", un mafieux déjanté qui a soif de puissance.
Témoin des pouvoirs d’Enzo, Alessia est persuadée qu’il est l’incarnation de Jeeg Robot, héros de manga japonais, présent sur Terre pour sauver le monde.
Mais Enzo va être forcé d’affronter Le Gitan qui veut savoir d’où vient cette force surhumaine. Parviendra-t-il à sauver la ville de la folie meurtrière de Fabio et être le super-héros qu’Alessia voit en lui ?
Bande annonce (VOSTFR)
Ce que j'en ai pensé : ON L'APPELLE JEEG ROBOT est une bonne surprise. Ce film italien s'attaque à un genre déjà maintes fois illustré et très en vogue, celui des supers héros. Cependant, loin des codes habituels et avec des moyens de film indépendant, il fait preuve d'ingéniosité et se place dans un contexte particulier. En effet, dans ce film, on parle des criminels, de la mafia, de personnes cruelles. Le héros n'est pas un homme bon. En fait, il n'a pas grand intérêt et vit de petits délits sans aucune perspective d'avenir. Ce sont les circonstances et surtout une rencontre qui vont l'amener à se remettre en question et à s'ouvrir au monde. Il n'y a pas de moment mielleux qui promet que tout va bien aller. Le film est sombre et les lieux sont loin des images de la romantique Rome habituelle.
ON L'APPELLE JEEG ROBOT a un style particulier que son réalisateur, Gabriele Mainetti, réussit à conserver intelligemment du début à la fin. Sur fond de souffrances sociales et de vies sans but, il construit son histoire pour nous décrire la genèse d'un héros inspiré d'un dessin animé japonais. Et oui, c'est étonnant, mais ça fonctionne. Je vous le conseille parce qu'il décontenance par son originalité crue et sans détours. C'est une chouette découverte qui assume son indépendance et son style particulier.
NOTES DE PRODUCTION
(A ne lire qu'après avoir vu le film pour éviter les spoilers !)
ENTRETIEN AVEC GABRIELE MAINETTI
Comment vous est venue l’idée de réaliser On l’appelle Jeeg Robot ?
L’idée d’origine était de s’emparer de cette immense vague de super-héros qui nous vient des Etats-Unis et qui détruit tout sur son passage en y répondant avec notre imaginaire italien. J’aime le cinéma de genre et je pense que les films de super-héros constituent le plus complexe et le plus dangereux des défis.
La force des films d’horreur est de révéler notre côté sombre, la partie noire de la société.
Mais les films de super-héros actuels ont perdu leur substance, ils ne procurent plus d’émotions. Nous avons donc essayé de faire un grand plongeon dans notre humanité. On l’appelle Jeeg Robot (Lo Chiamavano Jeeg Robot) est un film de super-héros, mais qui parle aussi des difficultés sociales dans les banlieues de Rome. Le protagoniste a grandi à Tor Bella Monaca, une banlieue difficile de Rome, nous avons montré le climat difficile et la criminalité qui règne dans ce quartier et le film est un peu comme un mélange entre Pasolini et la science-fiction.
Jeeg Robot est un dessin animé japonais des années 80 très connu en Italie ?
Oui, ça a été un énorme succès, nous avons grandi avec les dessins animés japonais. Quand nous rentrions de l’école, au lieu de faire nos devoirs, nous étions collés devant nos écrans télé. Jeeg Robot était l’un de nos préférés, tout comme le dessin animé Matzinger, ils ont inventé des personnages qui faisaient parti de notre imaginaire.
Comment s’est passée la production du film ?
La production du film a duré deux ans et demi. L’aspect de fabrication du film effrayait énormément, parce qu’il y avait beaucoup de scènes d’action prévues. Et puis, l’idée du film de genre, car en 2010, le filon Romanzo Criminale en était à peine à ses débuts et on me disait : « Regarde, en Italie, le genre, personne n’en veut. » Il n’y avait de la place que pour les comédies ou les films d’auteur à petit budget. Alors, je me suis dit qu’il fallait que j’invente quelque chose, sinon j’allais devenir fou. Et c’est ainsi qu’est né le court métrage Tiger Boy.
Tiger Boy raconte l’histoire d’un garçon masqué, qui a remporté beaucoup de prix et qui a été retenu sur la short list pour l’Oscar 2014 du meilleur court métrage a-t-il donné confiance aux producteurs pour le projet On l’appelle Jeeg Robot ?
Les producteurs continuaient à ne pas y croire. Cela a été épuisant de chercher à convaincre leur incrédulité envers quelque chose de nouveau et de différent qui avait pourtant des racines bien italiennes, car il ne faut pas oublier que dans les années 6070, nous avons produit de tout, rien ne nous arrêtait et certainement pas les budgets : le cinéma de genre existait avec très peu d’argent. J’ai finalement créer ma propre société et produit le film moi-même avec un budget de 1,7 M€ et je suis heureux que cela se soit passé ainsi.
Aussi bien dans Tiger Boy que dans On l’appelle Jeeg Robot, le masque du superhéros est cousu à la main et l’héroïsme se manifeste dans une dimension néoréaliste. D’où vient cet univers ?
Il est né de la collaboration avec Nicola Guaglianone, qui a eu l’idée du film et qui a écrit le scénario ‘avec Menotti), mais cet univers est aussi issu de Tiger Boy et de mon premier court 5 métrage : Basette. Nous tous, nous nous définissons comme des enfants de Bim Bum Bam (ndr. émission de télévision pour jeune public dans les années 80) qui nous a servi de baby- sitter quand nous étions petits. Après nos études de cinéma, nous nous sommes replongés dans ce qui nous touchait profondément : les dessins animés Lupin III, Tiger Man... Quant au masque, je voulais lui donner une dimension plus simple et m’éloigner du côté sophistiqué du cinéma américain. Donc nous l’avons emmené à la maison et cousu à la main.
Et le superhéros de votre film n’a pas de costume...
Le superhéros prend vie dans le final après un important parcours cathartique. En Italie, il n’y a pas de référence en matière de superhéros, c’est une réalité qui ne nous appartient pas et il fallait y amener pas à pas le spectateur de la manière la plus crédible possible. C’est pourquoi nous avons créé des personnages bien réels que nous avons placé dans un contexte absurde alors que d’habitude, c’est plutôt le contraire. Et ils ne sont pas tous bons ou méchants. Enzo, le protagoniste est un antihéros au début et il devient positif à la fin ; Zingaro est le méchant, mais il a une fragilité que tout le monde partage : le besoin de se mettre en avant socialement par peur de ne pas exister.
Parlez-nous des acteurs du film, comment les avez-vous choisis ?
Le personnage principal est joué par un grand acteur italien. Comme je suis moi-même comédien depuis 20 ans, il est en fait l’un de mes meilleurs amis, nous avons commencé notre carrière d’acteur au même moment. Je lui ai quand même fait passer un casting, on a fait des essais et c’est lui que j’ai choisi.
Claudio Santamaria a pris 20 kilos pour jouer le rôle, je voulais qu’il soit rondouillet parce qu’en réalité, c’est un très beau mec. Je l’ai aidé à construire cette carapace que le personnage principal devait avoir.
L’autre comédien qui joue le rôle du Gitan est Luca Marinelli, un acteur qui monte en Italie. Depuis ce film, c’est une véritable star et j’en suis ravi, parce qu’il est tellement talentueux. C’est un acteur qui sait construire les personnages qu’il joue et les rend toujours uniques et particuliers.
Iliena Pastorelli n’était pas comédienne avant de jouer dans le film. Quand elle a passé le casting, je ne savais pas qu’elle avait participé à une émission de télé-réalité (Il Grande Fratello / Big Brother). Quand je l’ai appris, ça m’a un peu refroidi, mais elle était tellement puissante que les gens ont oublié son passage dans cette émission et ont vraiment apprécié son interprétation du personnage. Puis elle a remporté tellement de Prix, qu’elle démarre sa carrière au cinéma.
C’est la première fois que vous faisiez un film avec des effets spéciaux et des cascades, comment les avez-vous abordés ?
Ce sont effectivement des choses que nous n’avions jamais faites, on croisait les doigts et on y allait, mais il nous arrivait de faire des erreurs et, certains jours, tout ce qui avait été tourné partait à la poubelle. Quand les effets dans certaines scènes ne sont pas parfaits, l’histoire l’emporte quand même.
Comme nous avions peu de moyens, il nous fallait persuader le public, de manière efficace, de l’existence des supers-pouvoirs du héros, sans pour autant trop y recourir. Nous ne nous sommes donc plus concentrés sur les parties qui ne font pas appel aux supers-pouvoirs, mais aux émotions, aux relations entre les personnages.
L’enjeu était que les spectateurs puissent y croire dès le début. Et c’est par la fragilité de personnages tangibles et les vérités qui sont les nôtres que le public se laisse, je l’espère, emporter dans cette fable urbaine emplie de supers-pouvoirs.
Pouvez-vous nous parler de votre travail sur la bande-son et la musique du film ?
Avec On l’appelle Jeeg Robot, j’avais envie d’entremêler plusieurs genres en rendant bien sûr le tout harmonieux. Pendant le montage, je me sentais comme un funambule sans filet de sécurité. Avec la création progressive de la bande son et la composition de la musique, tout est devenu plus claire, plus défini, et j’ai commencé à me sentir en confiance. L’idée, pour la musique du film, était de suivre le parcours émotionnel du protagoniste. Le spectateur le suit lentement pour se retrouver dans un monde extraordinaire : celui des supers-pouvoirs. Nous voulions aborder cela principalement à travers un son électronique, adouci par un instrument à percussion. Nous avons choisi le piano. Le thème principal du film apparaît dans le titre et il gagne en clarté lorsque le protagoniste, Enzo Cecotti, prend progressivement conscience de son identité. Lorsqu’il accepte l’idée d’être un héros à la fin du film, le son s’amplifie, l’orchestre s’enrichit dans le troisième acte jusqu’à l’explosion symphonique lors de l’épilogue.
Le film parle aussi de la paranoïa très actuelle des attentats. C’est un élément auquel vous avez pensé dès le départ ?
Pour nous, il était très important de créer un monde réel. Un film est vu seulement quand il nous parle à tous et quand il évoque des questions contemporaines, sinon on risque de s’adresser seulement aux fanatiques du genre. Bien sûr, nous avons choisi le microcosme bien réel de Tor Bella Monaca, car nous avions besoin d’un espace de conflits, où les gens utilisent des armes, ce qui n’arrive pas dans le centre de Rome. Mais le film a une portée plus large et il est intelligible par tous.
Pour la scène finale du stade, est-il vrai que vous n’aviez pas obtenu toutes les autorisations ?
Nous avions la permission de filmer le stade, mais pas les spectateurs à l’intérieur, j’avais donc une toute petite caméra et je faisais semblant de faire des photos...
Vous avez aussi étudié le cinéma à New York, à la Tisch School of the Arts. Que vous a apporté cette expérience ?
Le pragmatisme et aussi l’humilité. Et j’ai surtout surmonté une certaine peur à l’égard de la caméra. Là-bas, on te colle une Panavision dans les bras, tu dois mettre les optiques, tourner des courts-métrages en tant que directeur de la photographie, et faire beaucoup d’autres choses encore. On te pousse à chercher ce qu’il y a de meilleur en toi et à l’extraire, à faire ton cinéma et à ne t’arrêter devant aucun obstacle. Pour autant, j’avais quand même peur de produire On l’appelle Jeeg Robot. Un superhéros, cette croyance en Jeeg le Robot d’Acier, des effets spéciaux, le Stade Olympique... Avec ma double casquette de réalisateur et de producteur, j’ai un peu souffert, mais je me suis aussi beaucoup amusé. Même les choses le plus complexes, nous les avons affrontées comme des super-héros.
LE MANGA
JEEG ROBOT D’ACIER, aussi connu sous le nom de Kotetsu Jeeg, est un dessin animé et une série Manga créée par Gô Nagai et produite au Japon en 1975 par Toei Animation. La série, qui se compose de 46 épisodes, a été diffusée pour la première fois en Italie en 1979, où elle a remporté un grand succès. Le dessin animé compte toujours en Italie une importante communauté de fans.
L’histoire - Hiroshi Shiba, jeune pilote de course, est mortellement blessé. Son père, le brillant professeur Shiba, réussit à lui redonner vie grâce à une puissante relique de l’ancien et mystérieux royaume de Jamatai : une cloche de bronze cachée dans le corps d’Hiroshi. La reine Himika, souveraine du peuple Jamatai, se réveille d’un sommeil millénaire et cherche à récupérer la cloche qui lui permettra de reconquérir la Terre. Ses hommes de main, les commandants Ikima, Amaso et Mimashi, tuent le Professeur Shiba pour tenter de récupérer l’artéfact. Hiroshi apprend alors que son père avait anticipé la menace : grâce à la puissante cloche cachée dans sa poitrine, il devient invincible et a la capacité de se transformer en Jeeg, un robot de combat géant conçu par son père, doté de membres magnétiques interchangeables. Sa mission est de défendre le Japon moderne des envahisseurs, qui disposent également de monstres géants. Il n’aura alors de cesse de défendre la Terre contre son pire ennemi, l’empire Jamatai.
L’auteur, Gô Nagai, génie de la bande dessinée et de l’animation japonaise, est considéré comme l’un des plus importants mangaka. Ses œuvres ont marqué l’histoire moderne de la bande dessinée avec l’introduction des Mecha, mettant en scène des personnages utilisant ou incarnant des armures robotisées, généralement de forme humanoïde comme Mazinger Z (1973), Le grand Mazinger (1974), Goldorak (1975) et Jeeg Robot d’Acier (1975).
TOR BELLA MONACA
Le film a été tourné intégralement à Rome et dans un quartier populaire de sa banlieue, Tor Bella Monaca.
Tor Bella Monaca a poussé tel un champignon dans les années 80 pour accueillir les habitants des derniers bidonvilles de la capitale italienne. En quarante ans, sa population est passée de 2 000 à 210 000 habitants. Les logements ont été vite construits, mais les services publics n’ont pas suivi. Rapidement, le quartier s’est renfermé sur lui-même, offrant un terreau fertile à la délinquance et au trafic de drogues notamment.